Pour une transculturalité dans la traduction et l’interprétation en milieu social

Pour une transculturalité dans la traduction et l’interprétation en milieu social

L’interprétation en milieu social (IMS) constitue une catégorie de l’interprétation dont l’objectif est de permettre aux populations allophones (immigrantes ou non) et aux personnes sourdes d’avoir accès aux services proposés par l’Administration, notamment la santé, les services sociaux, l’éducation et la justice. Depuis plus d’une dizaine d’années, le Québec constitue un exemple de prise en charge des immigrants allophones et des personnes sourdes dans leur accès à ces services publics. À Montréal, des interprètes spécialistes en médiation interculturelle développent ce travail d’accompagnement sous la tutelle de la Banque interrégionale d’interprètes, organisme mandaté par le Gouvernement du Québec. La Belle Province n’est toutefois pas la seule à avoir essayé d’éliminer les barrières linguistiques : dans d’autres pays de la Francophonie, notamment en Europe occidentale, des structures similaires sont mises en place. L’objectif du premier colloque francophone sur l’interprétation en milieu social (IMS) –Colloque International Vers un réseau francophone d’interprétation en milieu social qui se déroulera le 10 et 11 novembre 2011 dans le campus de l’Université Pablo de Olavide, à Séville (Espagne), est de présenter les différentes approches sur l’IMS et leur mise en pratique. Il sera ouvert à des expériences menées partout dans la Francophonie, le but ultime étant de consolider un réseau francophone d’IMS pour tous les professionnels œuvrant en milieu francophone et pour tous les chercheurs travaillant sur les structures d’interprétation en milieu social dans les pays de la Francophonie. José Yuste Frías, membre du Comité Scientifique du Colloque y présente la conférence plénière intitulée: Pour une transculturalité dans la traduction et l’interprétation en milieu social.

Face aux faiblesses de l’interculturel et aux dangers d’un monde seulement multiculturel, la traduction et l’interprétation en milieu social doivent être pensées comme des opérations transculturelles. La conférence de José Yuste Frías commencera par présenter la traduction et l’interprétation comme paradigmes de transformations métisses pour interroger, ensuite, ce qui n’est pas un concept à proprement parler mais plutôt quelque chose qui relève de l’affectif : la notion d’identité.

Dans l’interculturel, on suggère avec le préfixe « inter » que les identités acceptent de se rapprocher mais que chacun reste ce qu’il est, chez soi. Dans le multiculturalisme, à l’aide du préfixe « multi » on use du concept de différence pour aboutir à un essentialisme pouvant se décliner en politique aussi bien à l’extrême droite qu’à l’extrême gauche dans le déclin symbolique de l’Europe actuelle. Interculturel et multiculturalisme concevant ainsi les identités culturelles comme des tous homogènes, ont procédé à leur territorialisation : tout thème et tout sujet sont circonscrits à un territoire. On traduit et on interprète l’Autre pour l’enfermer dans son appartenance et l’assigner à résidence.

Or « la représentation de “ l’autre ” de façon acceptable » (Asgarally, 2005) en milieu social ne peut être possible que grâce à la traduction et à l’interprétation conçues comme des opérations transculturelles, où le préfixe « trans » suggère l’idée d’une acceptation à se transformer dans une fécondation réciproque qui, déterritorialisant en permanence thèmes et sujets, déplacent les frontières langagières et culturelles pour former des identités métisses composites, c’est-à-dire, double, triple ou quadruple. La traduction et l’interprétation en milieu social ne peuvent être mises en œuvre que dans la logique du devenir métis. Le sujet contemporain est-il conscient d’être flux identitaire, construction permanente soumise à la multiplicité de ses diverses appartenances ? Le traducteur et l’interprète en milieu social, vivant toujours entre, au moins, deux langues et deux cultures, en sont des modèles !

Lors d’une médiation linguistique et culturelle dans le domaine sanitaire, juridique ou éducatif, le choix d’un des trois préfixes (« inter- », « multi- » ou « trans- ») implique trois fondements théoriques différents et, par conséquent, trois politiques différentes de traduction et d’interprétation en milieu social. Il peut y avoir, donc, des réponses différentes et contradictoires à toute ces questions cruciales que l’on se pose toujours avant d’agir comme médiateur/traducteur/interprète. Des questions telles que celles-ci :

  • Pourquoi la médiation à l’école devient apparemment impossible lorsqu’une jeune fille musulmane porte le voile ?
  • Faut-il être jeune femme journaliste occidentale et se trouver dans une situation de médiation «non sociale» pour que l’on puisse porter le voile sans aucun problème ?
  • Est-ce que l’on peut se passer de la présence physique ou virtuelle de l’interprète dans le domaine sanitaire de la médiation sociale ?
  • Pour communiquer avec des femmes enceintes immigrantes, peut-on vraiment remplacer l’interprète en milieu social par des « interprètes en papier », c’est-à-dire, par des pictogrammes trop mal traduits ?
NADIE HA COMENTADO AUN.

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